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«Au moment même où un ouvrier commence à forger sa propre conscience, il comprend que la solution primordiale est de se séparer d'avec le politicien capitaliste, et de se retrouver sur la ligne politique de sa propre classe sociale sur le terrain politique.» Eugène V. Debs

Le terrain de la lutte des classes doit se poser sur les questions économiques : Qui produit, comment, qui détient les moyens de produire, de répartir la production, de rémunérer, etc etc ? Mais il y a une autre facette qui est souvent oublié mais qui doit être remis dans son contexte, qui est le rôle que joue les idées et l'idéologie dans une société basé sur un rapport d'exploitation d'une classe possédante sur une classe exploitée. Car si Marx disait que "les idées dominantes sont celle de la classe dominante", il ne pouvait pas se douter que l'accélération de l'industrialisation et les débuts de la formation d'une société basé sur la communication et la consommation, pourrait purement et simplement empêcher toute tentative de révolution dans des sociétés dvpés. Il voyait en son temps que la dégradation de la société pousserait une large majorité de la population vers une prolétarisation croissante et fatale, ce qui ne se produisit pas frontalement comme il aurait pu le décrire ou l'espérer. Car en effet, si il existe une volonté de changer la société, elle peut se manifester sur différents angles et différentes manières. Le révisionnisme, la sociale-démocratie a été un premier pas vers le refoulement des idées de transformations radicales et révolutionnaires de la société capitaliste, mais ce n'est qu'une piste ouverte. La classe possédante est par définition, celle qui possède les moyens de produire, de diffusion et donc de contrôle sur la société, par ses idées. Une classe dominée est une classe qui produit la réalité matérielle d'une société donnée (Usine, logement, prison, église...) mais qui n'a pas la possibilité d'avoir subitement sa propre force idéologique et un imaginaire collectif basé sur des idées communes : On ne laisse pas un ouvrier se reposer suffisamment de temps pour qu'il prenne nécessairement conscience de son aliénation, sans oublier que TF1 ou Auchan ne le facilite pas forcément non plus. Le prolétariat est donc une classe qui est doublement dépossédé, de par son statut dans notre société :
- Dépossédé de la réalité matérielle, qu'elle construit mais donc elle n'est pas possédante/propriétaire.
- Dépossédé de la réalité idéologique/philosophique et des idées, car elle use sa force de travail de manière continuelle qui l'épuise et peut l'empêcher de s'instruire convenablement. La question légitime à se poser doit-être : Existe t-il une culture ouvrière, ou du moins issus des basses couches sociales de notre société ? Sans aucun doute, puisque des mouvements musicaux, de modes d'expressions ont pu naître en complet décalage avec notre société, mais on soit disparu, soit été récupéré par la classe possédante. (Rap, hippie, contre-culture punk etc etc...)

Antonio Gramsci (Militant marxiste italien, 1891-1937) est celui qui a apporté au marxisme une pierre angulaire importante, qu'il a nommé l'Hégémonie Culturelle :

L'hégémonie culturelle est un concept qui décrit la domination culturelle d'un groupe ou d'une classe et le rôle que les pratiques quotidiennes et les croyances collectives jouent dans l'établissement des systèmes de domination. Ce dernier pensait que l'échec des travailleurs à faire la révolution socialiste était dû à l'emprise de la culture hégémonique bourgeoise sur l'idéologie et les organisations de travailleurs. En d'autres termes, les représentations culturelles de la classe dirigeante, c'est-à-dire l'idéologie dominante, avaient déteint plus que Marx n'aurait pu le penser sur les masses de travailleurs. Dans les sociétés industrielles «avancées», des outils culturels hégémoniques tels que l'école obligatoire, les médias de masse et la culture populaire avaient inculqué une «fausse conscience» aux travailleurs. Au lieu de faire en sorte qu'advienne une révolution qui servirait vraiment leurs besoins collectifs (selon les marxistes), les travailleurs des sociétés «avancées» cédaient aux sirènes du nationalisme, du consumérisme et de l'ascension sociale, embrassant un individualisme de compétition et de réussite personnelle ou encore se rangeant derrière les leaders religieux bourgeois.

Si l'on part de ce constat donc, la classe dominante d'une société fait tout pour diffuser ses propres idées afin d'éviter que l'ordre social ne périclite et ne lui fasse défaut. Ceci est parfaitement visible et identifiable par les journaux, par les moyens de "diffuser la connaissance" et plus particulièrement, par les films et les dessins animés. J'ai choisi de me pencher sur le cas de ces derniers, car ils sont vu par les plus jeunes et peuvent façonner leur vision du monde, quoi qu'il leur arriver plus tard. Il suffit pour cela de regarder des Walt Disney, les Warner Bros ou toute autre production pour se rendre compte qu'il peut y avoir des messages et une idée véhiculé de tel ou tel sens, suivant un contexte politique précis. Qui ici sait que l'armée américaine avait réquisitionné les studios de Warner Bros pour y tourner des dessins animés de propagande pour "mobiliser la nation contre les vilains nazis et l'axe" ? Ceci était visible dans les deux camps, mais plus particulièrement chez les Alliés pour convaincre les gens qu'il fallait se donner à fond pour combattre le nazisme et faire oublier que cette guerre mondiale était d'une part la cause d'une crise structurelle du capitalisme (1929), que bon nombres de banquiers de Wall Street ont financé Hitler et son mouvement et donc la résultante d'une politique mené qui a crée entièrement le nazisme, pour le désigner comme bouc émissaire, et passer sous silence le véritable rôle qu'à jouer les Etats-Unis dans cette guerre qui a détruit l'Europe en 1945.
En 1934, Goebbels, ministre de la Propagande et de la culture populaire de l’Allemagne nazie, estime que le cinéma est «l’un des moyens de manipulation des masses les plus modernes» et il veut rivaliser avec la force de frappe des studios américains. Entre 1939 et 1945, les Etats-Unis produisent à Hollywood 125 cartoons par an. En 1943, 65% des dessins animés font référence à la guerre. L’attaque de Pearl Harbor (7 décembre 1941) marque un tournant dans l’utilisation faite par les Américains de cette arme psychologique qu’est le cinéma. Le gouvernement encourage les studios hollywoodiens à participer à l’effort de guerre et à mobiliser l’arrière. Le dessin animé fait vibrer la fibre patriotique et contribue à forger une représentation du bien et du mal dont le message politique est aisément assimilable. Le dessin animé a permis de caricaturer ou ridiculiser l’ennemi tout en alertant les civils sur la nécessité de se mobiliser. Une arme psychologique dans une guerre intégrale où l’art est convié à faire sa part du travail.

Quelques exemples de dessins animés et à regarder directement :
> The New Spirit (1942) montre Donald écoutant à la radio qu'il doit participer à l'effort de guerre américain en payant ses impôts pour soutenir l'effort de guerre américain, pour "enterrer l'Axe et préserver la démocratie et l'Amérique"
> Out of the Frying Pan Into the Fire montre Minnie en tant que femme de soldat et devant ménager la graisse de son utilisation quotidienne pour servir aux usines de munitions.
> Der Fuhrer's Face nous montre Donald rêvant de travailler et de subir l'endoctrinement nazi sur son lieu de travail, dans sa vie quotidienne...
> The Ducktators achève de ridiculiser l'Allemagne, l'Italie et le Japon.

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En vrac, vous pouvez aussi voir Education for Death qui raconte comment un jeune allemand se faire embrigader par le nazisme, Bliz Wolf où le loup des trois petits cochons est habillé en oficier nazi avec une jolie moustache, Bugs Bunny nips the Nips où Bugs Bunny se retrouve nez à nez sur une île du Pacifique face aux Japonais caricaturés de façon honteuse (Petit, chétif, grosse lunettes, dents avancées...) A noter que les Allemands ne se priveront pas pour faire des dessins animés de propagande qui seront forcenés contre les juifs, les comparant à des sauterelles ou au commande des Alliés ou de la France Libre. A noter qu'il existe un dessin animé de propagande de l'URSS, qui s'intitule Ne toptat fachistskomou sapogy nacheï rodiny (Les bottes fascistes ne fouleront pas le sol de notre patrie), qui montre que le fascisme a causé des millions de morts en URSS et qu'il va falloir lutter contre eux et les capitalistes, pour promouvoir le communisme.

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Mais la majorité des dessins animés issu de Walt Disney ou des studios Warner Bros n'ont pas seulement servit la propagande de guerre pour mobiliser le peuple américain dans sa lutte contre "l'ennemi fasciste", mais a aussi servi de moyen d'imposer la guerre dans les esprits, en usant de caricature ou de raccourci asses stupéfiant. Je repense à cet épisode ou Donald touche sa paye et où la voix off lui dit clairement qu'il doit épargner pour les bonds de trésors américains, et ne pas consommer et dilapider ce qu'il touche car il favoriserait la victoire de l'axe. On peut très bien imaginer ce qu'à pu être ce genre de propagande pour des enfants qui juste après, on pu aisément tomber dans un anti-communisme aussi farouche et persistant lors de l'après-guerre. (Voir l'affaire de la liste noir d'Hollywood) Certains grands dessins animés comme Blanche Neige, Cendrillon ou La Belle au bois dormant ne représentent pas t-il pas un modèle ouvertement sexiste, voir machiste du rôle de la femme, de sa "capacité" au sein de la société, de son "rôle" au sein de la famille, de ses vertus faible, tout juste bonne à succomber au "prince charmant" ou à chanter en faisant la vaisselle ? Il n'y a pas mieux en matière de répression sexuelle que de perpétuer au sein des dessins animés, des clichés. Prenons les très bon Aladdin, où évidemment le héros est à la base un voyou arabe -hin hin hin- qui fini par rencontrer un génie et sortir de sa condition grâce à lui : Quand on analyse ça, c'est typiquement le fait de dire "Ces gens sont trop con pour arrêté de vivre comme des primitifs, il faut qu'on les aide" et fini par nous faire croire qu'on leur a apporté la "Civilisation" et toutes les conneries qui vont avec. Dans un autre genre, il y a les Aristochats, qui se passe en 1910 à Paris, la "Belle Epoque" est entrain de battre son plein. Le message ? Une vieille dame veut léguer tous ses biens à ses chats et le vilain majordome veut tout pour lui... Ou comment montrer que "le petit" est près à tout dans sa fourberie et ne reconnaît pas la "bonté" que peut avoir celui qui le loge et lui trouve un boulot. Même parallèle est fait quand O'Maley rencontre Duchesse, celui qui n'a "aucune manière" fini par montrer clairement qu'il existe autre chose que la vie dorée de château et que la véritable vie fini par être vécu dans les rues et les quartiers les plus pauvres. (Scène avec la chanson délirante et les chats qui font du scat)

Je ne suis pas là pour enfoncer tous les films de Disney, il y en a qui sont très bon, comme le Toy Story ou les Roi Lion. Cependant, il y a toujours une fausse mauvaise foi dans ces dessins animés, qui tendent à montrer que l'homme serait mauvais par nature, quoi qu'il arrive, en généralisant ou en idéalisant complètement : Il suffit de regarder Tarzan pour s'en rendre compte, où on idéalise l'homme de la jungle, face au salaud de chasseur sans coeur. (A noter que ce n'est pas entièrement faux, mais la tendance à dire que l'homme est mauvais, veut dire qu'il faut un pouvoir fort capable de le maintenir en place, donc exit toute volonté de changer de société...)

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Pour conclure, j'ai décidé d'analyser (j'attends des commentaires) le dessin animé "The Roadrunner and Wil E.Coyote", plus connu sous le nom de Bip-Bip et Coyote. C'est sans conteste l'un de mes dessins animés préféré, sans doute parce que la trame est extrêmement simple et qu'on est toujours sur notre faim : Quand est-ce que Coyote va enfin bouffer ce salopard de Bip-Bip ? Quelle analyse peut-être fait ? On pourrait se dire que Coyote représenterait l'exploiteur carnivore qui ne cherche qu'à manger un pauvre oiseau sans défense... Or il en est tout autrement pour moi. Coyote représente l'affamé qui court après un mirage et qui se fait avoir en essayant de l'attraper. Le décor et les lieux où se déroulent le dessin animé représente toujours le désert et l'Ouest Américain, qui s'est recouvert de route progressivement dans les années 30 jusqu'à la fin de la guerre et après. Le RoadRunner n'est en fait que ce nouveau privilégié qui peut se permettre d'emprunter les routes pour son propre déplacement, narguant au passage celui qui n'a pas les capacités ni les facilités que ce dernier peut avoir. Coyote, dans son extrême malchance, fini toujours par rater, se faire écraser ou autre. La responsabilité ? Tout ! Mais plus particulièrement la société ACME, qui lui fournit le matériel défectueux. L'on peut donc dire que Coyote est celui qui se fait avoir littéralement par les nouveaux gadgets ou la possibilité de commander tout et n'importe quoi : Le mirage de la société de consommation qui rend dingue, fou et qui pousse dans l'irrationalité complète, puisque qu'on a envie de se dire... Mais pourquoi il ne va pas manger autre chose, on s'en branle ? Non, il doit l'attraper, c'est un impératif qui le dépasse et qui le possède. Bip-Bip n'est en fait que celui qui profite de la nouvelle infrastructure, et vient bouleverser la vie d'un Coyote comme les autres. On ne peut qu'être du côté de Coyote dans ce combat, qu'il ne peut pas gagner, tout simplement par manque de chance, mais parce que celui d'en face est capable d'anticiper et de défier toutes les lois de la nature, comme la gravitation par exemple. Ce dessin animé montre donc clairement selon moi, la nouvelle Amérique qui retente sa colonisation de l'Ouest encore montré "sauvage" et qui vient apporter toute sa vanité et ses prétentions dans des lieux qui pouvaient bien s'en passer. Celui qui subit et qui tente de se débarrasser de ce qui le nargue, c'est bel et bien le Coyote, qui montré comme le "prédateur" est un génie intégrale, qui ne cesse d'inventer des plans et des machines aussi farfelues les une que les autres, mais n'est que celui qui n'arrive pas à s'émanciper de sa propre nature et condition, parce qu'il use des moyens de la société qui le trompe toujours.

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Dernière modification par Marshall_ (31-05-2012 12:29:41)