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L'ancienne résistante communiste Lise London est morte samedi à Paris, à l'âge de 96 ans. Elle était la veuve d'Arthur London, dont le procès stalinien en Tchécoslovaquie a été rendu célèbre par le film L'Aveu.
Née Elisabeth Ricol en 1916 à Montceau-les-Mines, en Saône-et-Loire, de parents espagnols, elle s'engage très jeune dans l'action communiste, d'abord à Vénissieux, où elle étudie la sténodactylographie. Secrétaire aux usines Berliet à Vénissieux, puis au comité lyonnais du Parti communiste français (PCF), elle noue une forte amitié avec Jeannette Wermeersch, la future compagne de Maurice Thorez.
LA GUERRE CIVILE ESPAGNOLE, UN COMBAT FONDATEUR
Envoyée par le PCF à Moscou en 1934, Lise London y rencontre le militant communiste tchèque Artur London. Elle raconte : "J'ai aperçu un jeune homme, grand et beau, planté au milieu de la salle, comme pétrifié. Il me fixait intensément sans s'apercevoir que la tasse de thé qu'il tenait à la main dégoulinait le long de son poignet."
Elle l'épouse en 1935 avant de s'engager dans la guerre civile espagnole en participant à la constitution des Brigades internationales à Paris, un combat fondateur. "C'était une guerre pour sauver le peuple espagnol, pour sauver la démocratie, la liberté et la paix mondiale", explique-t-elle dans un entretien au collectif Alternatives images.
Rejointe par Artur London à Paris en février 1939, Lise London, mère d'une petite fille née en février 1938, s'engage rapidement dans la Résistance. Elle devient capitaine des Francs-tireurs et partisans (FTP). En 1942, elle participe à la manifestation de la rue Daguerre contre l'occupation allemande. Arrêtée par la police française, elle sera la seule accusée pour "assassinat, association de malfaiteurs et activités communistes".
Elle est jugée en 1943 par le tribunal d'Etat français, qui requiert sa condamnation à mort. Sa peine sera commuée en travaux forcés à perpétuité à la naissance de son fils Gérard, en avril 1943, à la prison de la Petite Roquette (Paris 11e). Son père, son frère et son mari seront, eux aussi, emprisonnés. Après un passage à la prison de Fresnes et à celle de Rennes, elle est livrée aux Allemands. Elle sera déportée en juin 1944 à Ravensbrück puis envoyée dans les Kommandos de Buchenwald.
"VOUS DEVEZ SAVOIR DIRE 'NON' ET MAINTENIR VOTRE 'NON'"
"On ne naît pas résistant, on devient résistant", souligne-t-elle lorsqu'elle évoque la Résistance. "Quand on vous demande d'exécuter des ordres avec lesquels vous n'êtes pas d'accord, vous devez savoir dire 'non' et maintenir votre 'non', sans faiblir (...) Il n'y a pas de héros nés, ce sont les circonstances qui font les héros", ajoute-t-elle.
Après la guerre, Lise London s'installe à Prague, en Tchécoslovaquie où son mari devient en 1949 vice-ministre des affaires étrangères dans le gouvernement communiste installé par l'URSS. Dès 1951, Artur London tombe en disgrâce et est arrêté dans le cadre des purges staliniennes. Emprisonné, c'est pendant ses années de prison qu'il écrit les textes qui serviront de canevas à L'Aveu. Glissés dans des paquets de papier à cigarettes, il le transmet clandestinement à sa femme.
Dans ces documents, destinés, non à être publiés, mais à informer le Parti communiste français, Artur London décrit les interrogatoires, tortures et procès infligés par le régime stalinien : "Ces méthodes, qui tendent à briser en l'homme sa dignité, sont à l'opposé de la morale socialiste." Lise London est alors marginalisée et exclue du Parti communiste tchécoslovaque. Saluant "une femme exceptionnelle", Pierre Laurent, secrétaire national du PCF rappelle dans un communiqué ce qu'elle dira à ses procureurs staliniens : "J'étais, je suis et je resterai communiste, avec ou sans carte du Parti."
L'Aveu, publié en 1968, sera porté deux ans plus tard à l'écran par Constantin Costa-Gavras, avec Yves Montand dans le rôle d'Artur et Simone Signoret dans celui de Lise. Son mari, finalement libéré en 1956, se réfugiera en France.
"LA MÉGÈRE DE LA RUE DAGUERRE"
Lise London, mère d'un troisième enfant, et dont le mari est mort en 1986, a livré les moments forts de sa vie en publiant notamment La Mégère de la rue Daguerre (Seuil, 1995) et Le Printemps des camarades (Seuil, 1996).
La polémique autour de la publication du livre de Karel Bartosek Les Aveux des archives (Le Seuil), où l'historien tchèque accuse London d'avoir été lui-même une sorte de commissaire rouge avant d'être victime à son tour du régime, est à l'origine de la publication des pages rédigées par Artur London en prison. Car Lise London, pour faire taire une "campagne pleine d'ignominies", contre-attaque en les dévoilant au public (Aux sources de l'Aveu. Gallimard, avril 1997).
Pour rendre hommage à la résistante, Pierre Laurent cite les propres mots de la résistante :"Ouvrez grand les yeux, ne vous laissez pas enfermer dans les certitudes, n'hésitez pas à douter, battez-vous contre les injustices, ne laissez pas la perversion salir les idéaux communistes. Soyez vous-mêmes." Il évoque un "engagement communiste", ainsi que "sa résistance à la folie stalinienne". Militante jusqu'au bout, Lise London est restée adhérente au Parti communiste, dénonçant "le dévoiement du socialisme par Staline". Officier de la Légion d'honneur, elle sera inhumée jeudi 5 avril au cimetière parisien d'Ivry.
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